PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE

Le 16 mai 2023, le Grand-Duché de Luxembourg a adopté  la loi du 16 mai 2023 portant transposition de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union (ci-après « la loi du 16 mai 2023 »),  instaurant un régime juridique de protection contre toute forme de représailles pour les lanceurs d'alerte (aussi connu sous le terme anglais de « whistleblowers »).

 

1. QU'EST-CE QU'UN LANCEUR D'ALERTE ET QUI PEUT L'ÊTRE ?

Un lanceur d'alerte est une personne qui, ayant constaté une violation du droit, signale celle-ci à l'entité dans laquelle la violation a été constatée (signalement interne) ou à l'autorité publique compétente (signalement externe).

La loi protège les lanceurs d'alerte travaillant dans le secteur privé ou public qui ont obtenu des informations sur des violations dans un contexte professionnel (relation de travail actuelle, passée ou future), par exemple :

  • les travailleurs (y compris les agents du secteur public) ;
  • les travailleurs indépendants ;
  • les actionnaires et les membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance d'une entreprise, y compris les membres non exécutifs ainsi que les bénévoles et les stagiaires rémunérés ou non ;
  • toute personne travaillant sous la supervision et la direction de contractants, de sous-traitants et de fournisseurs ;
  • les facilitateurs (personne physique qui aide un lanceur d'alerte de façon confidentielle) ;
  • les entités juridiques appartenant au lanceur d'alerte pour lesquelles il travaille, ou avec lesquelles il a des liens professionnels ;
  • les personnes qui ont signalé ou divulgué des informations sur des violations de manière anonyme, mais qui sont identifiées par la suite et font l'objet de représailles ;
  • les personnes qui signalent des violations auprès des institutions, organes ou organismes de l'Union européenne compétents ;
  • les personnes qui signalent des informations sur des violations obtenues dans le cadre d’une relation de travail qui a pris fin depuis ;
  • les personnes dont la relation de travail n’a pas encore commencé dans le cas où des informations sur des violations ont été obtenues lors du processus de recrutement ou d’autres négociations précontractuelles

 

2. QU'EST-CE QU'UNE VIOLATION DU DROIT ?

Le lanceur d'alerte peut signaler toute violation, soit par des actes, soit par des omissions, du droit national et/ou du droit de l'Union, c'est-à-dire les actes ou omissions :

  • qui sont illicites ou
  • qui vont à l'encontre de l'objet ou de la finalité des dispositions du droit national ou européen d'application directe.

Il peut communiquer toute information, y compris des soupçons raisonnables, concernant :

  • des violations effectives ou potentielles ;
  • des tentatives de dissimulation de ces violations ;
  • des violations qui se sont produites ou sont très susceptibles de se produire :
    • dans l'organisation dans laquelle il travaille ou a travaillé ou
    • dans une autre organisation avec laquelle il est ou a été en contact dans le cadre de son travail.

Ces violations peuvent par exemple concerner des agissements susceptibles de faire courir un danger ou une atteinte à la sécurité de la population dans le domaine de la santé ou de l’environnement, une violation de la sécurité au travail ou des processus de travail de l’organisation, le non-respect de normes professionnelles, etc.

 

3. CONDITIONS DE PROTECTION ET EXCLUSIONS

Pour être protégé contre toutes formes de représailles le lanceur d'alerte doit :

  • avoir eu des motifs raisonnables de croire que les informations signalées sur les violations étaient véridiques au moment du signalement et qu'elles relèvent du champ d'application de la loi ;
  • avoir effectué un signalement soit interne (via les canaux de signalement de son entreprise ou administration), soit externe (via les canaux de signalement de l'autorité compétente) ; ou
  • avoir fait une divulgation publique (à la suite à un signalement externe sans résultat) ; 
  • avoir obtenu connaissance des faits signalés dans un contexte professionnel.

Ne sont pas concernés par cette protection :

  • les signalements de violations relatives à la sécurité nationale ;
  • les lanceurs d'alerte dont les relations sont couvertes par :
    • le secret médical ;
    • le secret des relations entre un avocat et son client ;
    • le secret professionnel auquel un notaire ou un huissier de justice sont tenus ;
    • le secret des délibérations judiciaires ;
    • les règles en matière de procédures pénales.

Le lanceur d’alerte est tenu de respecter la hiérarchie imposée dans le cadre des canaux de signalement à utiliser, à savoir privilégier le canal interne et/ou externe, avant de procéder à toute divulgation publique.

La protection ne s’applique pas au lanceur d’alerte qui signale des informations qui sont déjà connues dans le domaine public ou des rumeurs non fondées.

Sanctions à l'encontre des signalements malveillants

L'auteur d'un signalement qui a sciemment signalé ou divulgué publiquement de fausses informations, pourra se voir infliger une peine d'emprisonnement de 8 jours à 3 mois et une amende de 1.500 euros à 50.000 euros.

Si la responsabilité civile de l'auteur d'un faux signalement est engagée, l'entité qui a subi des dommages pourra demander réparation du préjudice subi devant la juridiction compétente.

Cette disposition constitue une garantie contre les signalements malveillants ou abusifs (p.ex. les signalements d’informations erronées ou trompeuses, les signalements de fausses informations suite à une mesure disciplinaire, le fait de réclamer un paiement pour effectuer un signalement, etc.).

 

4. PROTECTION CONTRE LES REPRÉSAILLES

Toutes formes de représailles, y compris les menaces et tentatives de représailles, sont interdites à l'égard des lanceurs d'alerte en raison du signalement qu'ils ont effectué. Les personnes qui exercent des mesures de représailles ou intentent des procédures abusives contre les lanceurs d'alerte s'exposent à une amende de 1.250 à 25.000 euros.

Le lanceur d'alerte qui subit des mesures de représailles peut, dans les 15 jours qui suivent la notification des mesures, demander à la juridiction compétente de constater la nullité des mesures et d'en ordonner la cessation. La personne qui n'a pas invoqué la nullité des mesures de représailles ou qui en a déjà obtenu la nullité peut encore exercer une action en dommages et intérêts.

 

5. COMMENT SIGNALER UNE VIOLATION DU DROIT ? 

Il existe trois façons de d’effectuer un signalement : le signalement interne (canaux internes), le signalement externe (canaux externes) et la divulgation publique. L'auteur d'un signalement peut avoir recours à des canaux internes ou externes, qui doivent garantir strictement la confidentialité de l'identité de l'auteur du signalement, excepté en cas d'obligation nécessaire et proportionnée imposée par le droit national ou européen d'application directe dans le cadre d'enquêtes, notamment en vue de sauvegarder les droits de la défense de la personne concernée.

Signalement interne

Les entités juridiques du secteur public, à savoir l’Etat (qui constitue une entité juridique unique et est composé de ses ministères et administrations), les établissements publics rattachés à l’Etat (comptant au moins 50 travailleurs), les administrations communales de plus de 10.000 habitants, les syndicats de communes et les autres établissements publics placés sous la surveillance des communes, comptant 50 travailleurs ou plus  sont tenus de  mettre en place des canaux et procédures de signalement interne et en assurer le suivi.

Le canal de signalement interne est conçu, établi et géré de manière sécurisée garantissant la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement, de toute personne concernée et de tout tiers mentionné dans le signalement.

Les personnes désirant signaler des violations de la loi doivent privilégier le signalement interne avant de recourir à un signalement externe, à moins que le signalement interne risque de leur porter préjudice (représailles de l'employeur par exemple).

L'office des signalements, mis en place depuis décembre 2023, pourra informer et aider toute personne souhaitant effectuer un signalement.

Signalement interne direct au MAINT

Le MAINT a développé un canal de signalement interne. Le signalement direct se fait par e-mail au  signalements@mai.etat.lu  Le lanceur d’alerte peut également demander par e-mail d’avoir un entretien téléphonique avec les délégués du MAINT.

Les délégués aux signalements effectuent un suivi diligent du signalement. Ils vérifient l'exactitude et la pertinence des allégations formulées dans le signalement et, le cas échéant, remédie à la violation signalée, y compris par des mesures telles qu'une enquête préliminaire interne, une enquête ou la clôture de la procédure. Ces vérifications internes sont effectuées en coopération avec les services concernés.

Les signalements peuvent être effectués en français, allemand, luxembourgeois ou anglais.

 

6. SIGNALEMENT EXTERNE ET DIVULGATIONS PUBLIQUES

Signalement externe

Le lanceur d’alerte a également la possibilité de signaler des violations présumées par le biais d'un canal de signalement externe, c'est-à-dire à une autorité locale compétente chargée de recevoir et d'examiner les signalements des lanceurs d’alerte.

Les personnes désirant signaler des violations de la loi peuvent effectuer un signalement externe auprès de l'autorité compétente soit directement, soit après avoir effectué un signalement interne. En effet, les personnes désirant effectuer un signalement de violations sont encouragées à privilégier le signalement par le biais de canaux de signalement interne avant un signalement par le biais de canaux de signalement externe, lorsqu’il est possible de remédier efficacement à la violation en interne et qu’elles estiment qu’il n’y a pas de risque de représailles. Les autorités énumérées par l’article 18 de la loi du 16 mai 2023 portant transposition de la directive (UE) 2019/19 du Parlement européen peuvent être sollicitées par les personnes désirant effectuer un signalement externe au MAINT.

 Autorités compétentes

Les autorités compétentes pour recevoir des signalements, donner un retour d'informations et assurer le suivi des signalements externes sont les suivantes :

1.       La Commission de surveillance du secteur financier ;

2.       Le Commissariat aux assurances ;

3.       L’autorité de la concurrence ;

4.       L’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA ;

5.       L’Inspection du travail et des mines ;

6.       La Commission nationale pour la protection des données ;

7.       Le Centre pour l’égalité de traitement ;

8.       Le Médiateur dans le cadre de sa mission de contrôle externe des lieux où se trouvent des personnes privées de liberté ;

9.       L’Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher ;

10.   L’Institut luxembourgeois de régulation ;

11.   L’Autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel ;

12.   L’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg et l’Ordre des avocats du Barreau de Diekirch ;

13.   La Chambre des notaires ;

14.   Le Collège médical ;

15.   L’Administration de la nature et des forêts ;

16.   L’Administration de la gestion de l’eau ;

17.   L’Administration de la navigation aérienne ;

18.   Le Service national du Médiateur de la consommation ;

19.   L’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils ;

20.   L’Ordre des experts-comptables ;

21.   L’Institut des réviseurs d’entreprises ;

22.   L’Administration des contributions directes.

Divulgations publiques

Un lanceur d'alerte qui divulgue publiquement une violation bénéficie de la protection de la loi s'il a:

  • effectué préalablement soit un signalement interne et externe, soit directement un signalement externe, mais aucune mesure appropriée n'a été prise en réponse à ce signalement externe dans les 3 mois suivant le signalement ; ou
  • des motifs raisonnables de croire que :
    • la violation peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l'intérêt public (par exemple lorsqu'il existe une situation d'urgence ou un risque de préjudice irréversible) ; ou
    • en cas de signalement externe, il existe un risque de représailles ou il y a peu de chances qu'il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l'affaire (par exemple lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu'une autorité peut être en collusion avec l'auteur de la violation ou impliquée dans la violation).

 

7. SUIVI ET TRAITEMENT DU SIGNALEMENT INTERNE PAR LES DELEGUES MAINT

Le MAINT, via ses délégués, reçoit et assure le suivi des signalements visant le ministère et les entités  tombant sous son champ de compétences (notamment la Police grand-ducale et l’Inspection générale de la Police, le Centre de rétention ainsi que le Corps grand-ducal d’incendie et de secours)

Le MAINT veille, par le biais de ses délégués, à :

  • mettre à disposition des canaux pour la réception des signalements qui sont conçus, établis et gérés d’une manière sécurisée qui garantit la confidentialité de l’identité de l’auteur de signalement et de tout tiers mentionné dans le signalement et qui empêche l’accès auxdits canaux par des membres du personnel non autorisés
  • accuser réception du signalement dans un délai de 7 jours à compter de sa réception;
  • assurer un suivi diligent ;
  • fournir au lanceur d'alerte un retour d'informations endéans 3 mois;

Lorsque le MAINT reçoit un signalement pour lequel il n’est pas compétent, il le transmet dans un délai raisonnable et de manière confidentielle et sécurisée à l’autorité nationale compétente. Cette dernière en informe le lanceur d’alerte.

Le MAINT peut demander par écrit à l'entité visée par le signalement la communication de tous les renseignements qu'elle juge nécessaires, dans le strict respect de la confidentialité de l'identité du lanceur d'alerte.

Seuls les membres du personnel du MAINT habilités ont accès aux signalements transmis et aux dossiers y afférents. En cas de signalement par d'autres canaux ou via d'autres membres du personnel du MAINT, ces derniers sont également tenus de respecter le secret quant à l'identité du lanceur d'alerte ou de la personne concernée et transmettent le signalement au plus vite aux membres du personnel en charge du traitement.

Les dispositions communes aux signalements internes et externes :

Les canaux internes et externes doivent garantir strictement la confidentialité de l'identité de l'auteur du signalement, excepté en cas d'obligation nécessaire et proportionnée imposée par le droit national ou européen d'application directe dans le cadre d'enquêtes, notamment en vue de sauvegarder les droits de la défense de la personne concernée.

Les canaux internes et externes respectent la législation sur le traitement de données à caractère personnel. Les signalements ne sont pas conservés plus longtemps qu'il n'est nécessaire et proportionné légalement. 

Sanctions et amendes :

L’auteur de mesures de représailles ou de procédure abusives contre les lanceurs d’alerte risque une amende de 1.250 à 25.000 euros.

Le lanceur d'alerte qui a sciemment signalé ou divulgué publiquement de fausses informations, pourra se voir infliger une peine d'emprisonnement de 8 jours à 3 mois de prison et une amende de 1.500 euros à 50.000 euros.

La responsabilité civile de l'auteur d'un faux signalement sera engagée. L'entité qui a subi des dommages peut demander réparation du préjudice subi devant la juridiction compétente.

 

8. CONFIDENTIALITÉ DU SIGNALEMENT ET TRAITEMENT DES DONNÉES

Obligation de confidentialité

Le MAINT traite tout signalement dans le strict respect de la confidentialité quant à l'identité du lanceur d'alerte.

Le MAINT ne divulguera en aucun cas :

  • ni l'identité du lanceur d'alerte sans son consentement exprès ;
  • ni aucune autre information à partir de laquelle l'identité du lanceur d'alerte peut être directement ou indirectement déduite.

La confidentialité quant à l'identité du lanceur d'alerte ne peut être levée que dans le cas d'une obligation nécessaire et proportionnée imposée par la loi modifiée du 8 juin 2004 sur la liberté d'expression dans les médias ou le droit de l'Union européenne dans le cadre d'enquêtes menées par des autorités nationales ou dans le cadre de procédures judiciaires, notamment en vue de sauvegarder les droits de la défense de la personne concernée.

Dans un tel cas, le MAINT informe le lanceur d'alerte par écrit avec une explication des motifs avant que son identité ne soit divulguée, à moins qu'une telle information ne risque de compromettre les enquêtes ou les procédures judiciaires concernées.

Le MAINT garantit l'intégrité et la confidentialité des informations qui lui sont transmises. Seuls les membres du personnel du MAINT habilités y ont accès et sont tenus de respecter le secret professionnel conformément au serment qu'ils ont prêté lors de leur entrée en fonction. De même, le MAINT veille, avec le consentement du lanceur d'alerte, à conserver des procès-verbaux de la conversation et précis des signalements effectués par téléphone. Le MAINT donne à l’auteur de signalement la possibilité de vérifier, de rectifier et d’approuver le procès-verbal de la conversation par l’apposition de sa signature.

Traitement des données personnelles

Aux fins de l'accomplissement des missions qui lui sont confiées par la loi du 16 mai 2023, et plus précisément concernant le traitement des signalements, le MAINT peut être amené à traiter des données personnelles vous concernant.

Tout traitement de données à caractère personnel effectué en vertu de la loi du 16 mai 2023, y compris l'échange ou la transmission de données à caractère personnel par les autorités compétentes, est effectué conformément au règlement (UE) 2016/679  du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), ci-après « règlement général sur la protection des données » ou « RGPD »

Les données à caractère personnel qui ne sont manifestement pas pertinentes pour le traitement d’un signalement spécifique ne sont pas collectées ou, si elles le sont accidentellement, sont effacées sans retard injustifié.

 

9.  LIENS & INFORMATIONS UTILES

Ministère des Affaires intérieures

19, rue Beaumont

L-2933 Luxembourg

E-mail : signalements@mai.etat.lu

 Tél.:

·         247-84098 (Direction générale de l’immigration)

·         247- 84116 (Direction générale de la sécurité intérieure)

·         247-74661 (Direction générale des affaires communales, Direction générale de la sécurité civile, Direction général des services généraux)​

 

Pour en savoir plus :

RÉFÉRENCES LÉGALES

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES